Interview d’Hannah LAMALLEM,
Oncologue Radiothérapeute à l’Institut de Radiothérapie Hartmann et co-fondatrice de l’Institut Rafaël
Le cancer du sein chez la jeune femme
Retranscription de la vidéo
J’ai la joie de recevoir le docteur Hannah LAMALLEM, oncologue, radiothérapeute et cofondatrice de l’Institut Rafaël. C’est une joie de recevoir enfin une femme, surtout pour parler du cancer du sein.
Est-ce que le cancer du sein représente une part très importante de tes consultations ?
Docteur Hannah LAMALLEM : Le cancer du sein, c’est notre principale activité aujourd’hui et j’ai une activité assez importante de patientes jeunes qu’on prend en charge avec l’ensemble de l’équipe de la clinique Hartmann.
Qu’est-ce que tu appelles jeunes ?
Docteur Hannah LAMALLEM : Beaucoup de patientes de moins de 45 ans
Donc des patientes qui n’ont pas encore été mamans pour la plupart ?
Docteur Hannah LAMALLEM : Pas forcément, mais effectivement, c’est une des problématiques dans la prise en charge de ces patientes.
Est-ce une nouveauté ?
Docteur Hannah LAMALLEM : Non. Moi, ça fait une bonne dizaine d’années maintenant que je suis oncologue radiothérapeute et on voit déjà depuis une dizaine d’années une incidence qui diminué des cancers du sein par contre, on a vu augmenter le nombre de cancers du sein chez la femme jeune.
Alors probablement on en détecte plus par le dépistage, donc, même si le dépistage officiellement en France est à partir de 50 ans, beaucoup de dépistages individuels sont réalisés à l’échelle des gynécologues qui sont très sensibles et qui font ce qu’il faut pour que les femmes aient des mammographies dès l’âge de 40 ans ou dès qu’il y a un cancer dans la famille, des mammographies sont faites.
On a vu aussi l’incidence augmenter parce que les facteurs de risque dans notre environnement aujourd’hui sont nombreux. Le tabac, est un facteur de risque, on sait que les femmes fument de plus en plus et donc on n’a plus de cancer du sein. Le fait d’avoir peu ou pas d’activité physique, est un facteur de risque. Le poids, et notamment la tendance au surpoids, est un facteur de risque. Le fait que les femmes aient moins de grossesses, qu’elles allaient être moins, tout ça, ce sont des facteurs de risque de cancer du sein.
Donc, grâce au dépistage, on en détecte un nombre très important, et est-ce que grâce à ce dépistage, on arrive à mieux soigner cette maladie et à mieux la prendre en charge puisqu’elle est prise plus précocement ?
Docteur Hannah LAMALLEM : L’objet du dépistage est effectivement de détecter plus précocement des cancers du sein. Avec pour objectif de les guérir. Ce qui est le cas surtout dans l’Ouest parisien ou il y a un taux de dépistage qui est important et donc de diagnostic de cancer du sein précoce, qui sont l’essentiel des cancers du sein.
Ce n’est pas fréquent de découvrir un cancer du sein clinique, c’est à dire une auto palpation ou une palpation à la consultation de gynéco. Ça existe, mais ce n’est pas la situation la plus fréquente.
Est-ce que l’examen de mammographie suffit ? On entend parfois que la mammographie, ça ne suffit pas.
Docteur Hannah LAMALLEM : Le problème de la mammographie, c’est que c’est très bien chez la femme ménopausée parce que les seins sont un peu moins denses et donc, la mammographie détecte bien les modifications de structure. Chez la femme jeune, les seins sont beaucoup plus denses donc mammographie n’est pas toujours capable de détecter et nous avec l’expérience ont fait mammographie et écographie et la combinaison des deux permet d’améliorer les résultats. Cependant dans le cadre du dépistage national, c’est juste une mammographie.
Qu’en est-il des patientes qui n’ont pas encore eu d’enfant ? J’imagine que les traitements sont quand même invasifs et peuvent avoir des conséquences sur la fécondité ?
Docteur Hannah LAMALLEM : D’abord, chez la femme jeune, heureusement on ne diagnostique pas que des cancers agressifs et des cancers avancés. On a aussi la situation où on découvre des maladies précoces. Et donc, le traitement sera toujours un traitement chirurgical associé à une radiothérapie. Se posera parfois la question de l’hormonothérapie et pendant la période d’hormonothérapie on ne peut pas autoriser de grossesse parce que les médicaments sont toxiques pour l’embryon. Donc, pendant une période qui est au minimum de deux ans après un cancer du sein, quand il y a une indication d’hormonothérapie, il est vivement, voire interdit d’avoir des enfants.
Par contre, chez la femme jeune qui a un cancer du sein plus agressif qui va nécessiter de la chimiothérapie. Là , la question va se poser parce que malheureusement, la chimiothérapie va entraîner un arrêt des cycles, parce qu’il va y avoir une destruction au niveau ovarien des ovocytes. Et le risque que nous ayons, c’est que la reconstitution de ce stock est difficile, incertaines, il y a donc un risque effectivement de stérilité liée au traitement.
La précaution est de faire des prélèvements d’ovocytes pour pouvoir autoriser une grossesse au décours des traitements.
J’imagine qu’après la joie extrême, c’est de revoir les patientes avec leur bébé ?
Docteur Hannah LAMALLEM : Oui effectivement. Alors on a aussi malheureusement, des situations où on a des grossesses et cancer du sein en même temps. En effet, les femmes enceintes, même si elles sont suivies sur le plan gynécologique, bien évidemment, la grossesse étant plutôt un évènement joyeux, on n’y pense jamais et le dépistage pendant la grossesse, c’est compliqué parce que les seins sont modifiés.
Donc, la palpation est compliquée et on ne fait pas d’imagerie des seins pendant les grossesses.
Il nous arrive d’avoir un diagnostic de cancer du sein pendant la grossesse ou juste après.
Quel est le plan d’attaque dans ces cas-là ?
Pendant la grossesse, tout dépend du stade de la grossesse. Quand malheureusement, le stade très précoce (stade de l’embryon de moins de 3 mois) on est obligé de proposer une interruption thérapeutique de grossesse parce que les traitements ne sont pas compatibles avec le développement de l’enfant.
Quand c’est un stade fœtal, on peut autoriser des traitements de chimiothérapie qui va autoriser un développement normal pour le bébé et on finit les traitements après l’accouchement.
Il faut savoir que pendant la grossesse, les chimiothérapies sont mieux tolérées. En effet du fait qu’elles aient un volume de diffusion, parce qu’il y a une hyperactivité au niveau sanguin, il y a une dilution plus importante des traitements de chimio et cela se passe très bien.
Et les chimiothérapies qu’on utilise ne sont pas des chimiothérapies toxiques pour le bébé. On fait les chimiothérapies toxiques après pour autoriser justement un déroulement de grossesse le plus normal possible
Donc, c’est un message plein d’espoir. Merci à Hannah LAMALLEM