Interview d’Alain Toledano,
Oncologue Radiothérapeute à l’Institut de Radiothérapie Hartmann et Président de l’Institut Rafaël
La prévention du cancer du sein
Retranscription de la vidéo
Aujourd’hui, dans le cadre de l’Octobre Rose de l’Institut Rafaël, pour notre première édition, nous avons l’immense honneur de recevoir le docteur Alain Toledano qui, le président et fondateur de l’Institut Rafaël. On va évidemment parler du cancer du sein. Est-ce que c’est une maladie qui touche des femmes de plus en plus jeunes ? Où en est-on ?
Dr Alain Toledano : D’abord au regard des chiffres c’est important de savoir que le cancer du sein symbolise l’action que porte toute la cancérologie aujourd’hui en France. Parce qu’il est visible, parce qu’il touche les femmes et donc au-delà du cancer du sein c’est le combat pour toute la cancérologie aujourd’hui.
C’est le cancer qui se dépiste, alors il est assez fréquent finalement, pour être rentré dans toutes les familles, dans tous les milieux professionnels, tout le monde connaît quelqu’un qui a eu un cancer du sein.
Et puis, c’est un cancer qui se guérit très bien. Il est aussi porteur d’espoir parce qu’aujourd’hui, quand on traite précocement un cancer du sein, dans 95% des cas, on en guéri et sans traitements trop lourds. Alors ce chiffre de plus de 50 mille femmes par an en France, on pourrait aussi en donner d’autres : 10% des femmes qui ont moins de 40 ans lorsqu’elles ont le cancer du sein. Elles ne sont pas forcément les femmes issues du dépistage.
Elles n’ont pas les mêmes armes, c’est souvent des jeunes mamans ou des femmes qui veulent être mamans qui ne le sont pas encore. Donc, le cancer du sein finalement, ça touche la femme jeune, la femme âgée même si on a effectivement entre 50 et 60 ans, beaucoup de femmes qui sont touchées.
Est-ce que tu penses que ces « si bons résultats » soient dus au dépistage ?
Dr Alain Toledano : on a de la chance en France, le dépistage est organisé, il est remboursé. Mais on sait que même quand on propose le dépistage gratuit, il y a près de 50% des femmes qui ne vont pas aller se faire dépister. Et ça, c’est malheureux. Donc, il faudra toujours rappeler l’auto palpation, allez faire votre mammographie de dépistage, c’est important, ça sauve des vies. Et comme on le dit, pas assez parce qu’à un moment, on a dû dire qu’il existait un sur diagnostic, ce qui est vrai, mais ce qui est rare, du coup, il y a plein de femmes qui s’en sont détachées et malheureusement, on a encore 11 000 décès par an de cancer du sein chaque année en France.
C’est des mamans qui ne verront pas leur enfant grandir. C’est des grands-mères qui profiteront de la vie familiale et donc c’est très important de rappeler l’importance du dépistage en ce mois d’Octobre rose.
Est ce qu’il existe d’autres moyens de prévention que ce dépistage ?
Dr Alain Toledano : Bien sûr. Le cancer du sein, comme d’autres cancers, peut se prévenir si on joue sur les facteurs de risque : il y a des facteurs de risque qu’on appelle hormonaux où là il n’y a pas beaucoup de prévention. Mais vous savez que le tabac, par exemple, engendre un sur risque de cancer du sein. Donc, la lutte anti-tabac, ça reste une très bonne façon de diminuer le risque de cancer du sein. Le sport, quand on fait du sport, c’est bien pour le bien être. Mais quand on fait du sport, on diminue le risque de cancer du sein. Quand on a eu un cancer du sein, qu’on fait du sport, on diminue le risque de rechute. Et puis, les stress, chaque déséquilibre de vie peut engendrer un déséquilibre en interne qui perturbe les mécanismes de l’organisme et qui peut générer un cancer.
Donc, notre plaidoyer aujourd’hui, c’est pour les équilibres de vie. Pour le dépistage et pour finalement prendre soin de soi.
On vit une période un peu particulière. Est-ce que tu penses que le COVID a eu un effet, justement, sur l’augmentation des cas ou le manque de dépistage ?
Dr Alain Toledano : Oui le COVID a eu un effet, puisque finalement, on a assisté à une peur virale. Donc, beaucoup de gens ont mis leur santé de côté. Beaucoup de femmes n’ont pas été se faire dépister. On arrive avec certaines situations qui sont un peu plus graves que celles qu’elles auraient été si on avait dépisté un peu plus tôt. Il y a des femmes qui ne se sont pas fait soigner par peur du COVID, alors qu’elle aurait peut-être été moins touchée et moins fragilisée qu’avec le cancer qui va être maintenant leur situation de vie.
J’imagine que les appareils sont de plus en plus performants, qu’on détecte des tumeurs de plus en plus petites. Quelles sont les avancées en termes de technique ?
Dr Alain Toledano : L’auto palpation, ça reste l’auto palpation, c’est un problème culturel. On va diffuser ces connaissances pour que chaque femme y ait accès. Mais effectivement, sur le plan des images, allez regarder à l’intérieur d’un sein. Le sein, c’est un organe qui est fait de graisse et de glandes et en fonction des âges de la vie, la graisse et la glande ne sont pas réparties de la même façon. Donc, on a aujourd’hui des appareils de radiographie très fins qui peuvent, comme la tomosynthèse, faire plusieurs images séquencés et nous permettent de voir beaucoup mieux à l’intérieur du sein.
On a aussi des appareils, vous savez que ça comprime le sein pour faire une image de mammographie où la femme va participer à cette auto compression pour que ce soit moins douloureux, qu’elles craignent moins cet examen de dépistage. Des échographes sont de plus en plus pointus. Souvent, on combine l’échographie et la mammographie. On a aussi beaucoup recours aux IRM chez les femmes qui ont les seins très denses ou chez les familles à risque, puisqu’on a 10 à 15% de cancer du sein qui arrivent dans des lignées, dans des filiations de familles à risque.
Vous voyez donc que toute cette imagerie a fait des progrès. La culture du dépistage s’est installée et donc il est de notre devoir de rappeler son importance aujourd’hui.
Quelle est l’évolution des soins entre le moment où vous avez débuté et maintenant ? Abordez le problème de façon fondamentalement différente ?
Dr Alain Toledano : Autrefois, avant l’ère du dépistage, on enlevait beaucoup le sein des femmes, on faisait des chirurgies mutilantes, délabrantes. C’était compliqué pour la plupart des femmes.
Maintenant, dans plus de 80% des cas, on conserve le sein. Non seulement on le conserve, mais on fait des chirurgies plus fines qu’on appelle onco-plastique. On se soucie d’enlever la tumeur oncologique et de faire de la plastique et de remodeler le sein pour ne pas l’abîmer, pour ne pas abîmer sa forme.
Donc, on est plus efficace, plus esthétique.
Comme on diagnostique les cancers à un stade plutôt plus précoce, on va faire moins de chimiothérapie. On a tout un tas de tests génétiques aussi pour diminuer le risque de faire de la chimiothérapie parfois pour rien. Et donc, on va mieux sélectionner nos patientes. Donc de meilleures chirurgies, plus esthétiques, moins de chimiothérapie, l’accès à des tests génétiques et puis une radiothérapie beaucoup plus sur mesure qui nous permet de délivrer les rayons de façon très fine pour ne pas abîmer le résultat du sein esthétique et arriver à préserver la féminité tout en diminuant les risques de rechute.
Et on voit que sur toute la chaîne, même dans les maladies malheureusement métastatiques, on a de nouvelles molécules, des façons innovantes de traiter. Donc, bien sûr qu’on veut éviter les cancers du sein chez toutes les femmes, mais quand il y a un cancer du sein, on est prêt à le traiter.
Et en tant que fondateur de l’Institut Rafaël, quel est ton analyse et quelles sont les actions qui sont menées à l’Institut ?
Dans le cadre de l’Institut Rafaël et de cette promotion de la santé globale et de la santé intégrative, bien sûr qu’on va rappeler l’importance de ne pas avoir cette maladie ou de la diagnostiquer tôt. Et ça, tous nos systèmes de soins sont sensibilisés.
Mais ici, à l’Institut Rafaël, on va s’occuper aussi de co-construire avec chaque patiente un parcours d’accompagnement coordonné en prenant en considération la nutrition, les émotions, l’activité physique, le bien-être, le retour à l’emploi, l’accès à la fertilité pour un projet de parentalité. On ne va pas uniquement regarder la femme à travers son sein, mais on va la regarder de façon très globale : son projet de vie, sa vie professionnelle, sa vie sexuelle, sa vie familiale et donc notre action à l’Institut Rafaël, c’est d’avoir une vision beaucoup plus large que le sein en lui-même, même si le cancer du sein, c’est un symbole fort qu’on va valoriser ce mois d’octobre.
Merci Alain pour ton temps précieux. Et on peut dire que l’Octobre Rose est officiellement lancé.